De ma propre expérience, je me suis très tard penché sur l'art de la description. Une principale raison à cela : son apparente facilité. Lorsque j'ai commencé à écrire, ma bête noire résidait dans le dialogue (j'y reviendrai plus tard, of course) et les passages nécessitant des descriptions ne me faisaient pas peur. Je me complaisais alors dans une avalanche d'adjectifs et une foultitude de détails, trouvant même dans cette facilité naturelle un grand plaisir. En outre, ça me permettait d'aligner les signes avec la vélocité d'un Bob Howard en transe. Plus tard, alors que je commençais à me débrouiller des autres difficultés de l'écriture romanesque, je me suis rendu compte que mes descriptions se trouvaient largement perfectibles - doux euphémisme...
Il existe basiquement deux types de description : passive et active. La première est celle que l'on a tendance a utiliser naturellement et la seconde, la plus efficace et la plus intéressante dans nombre de cas, notamment lorsque le rythme joue un rôle important dans la scène en question. Plus que du blabla, un exemple servira certainement mieux mon propos. Commençons donc par une description passive :
Marceland se situait en bord de mer, à la pointe d'une excroissance rocheuse où s'échouaient des vagues brisées par les longues digues qui s'étendaient de part et d'autre du port. Du côté des terres, un épais rempart cernait la ville, percé en son milieu d'une imposante porte à triple entrées surmontée de barbacanes et de deux tours de guets carrées. Au-delà, une large avenue traversait la cité jusqu'aux quais en passant par la place du marché après avoir contourné le palais des ducs de Marceland. Une foule hétéroclite emplissait chaque rue et jusqu'à la moindre ruelle, bouillonnant des flux et reflux d'une marée humaine aux multiples activités qui baignait la ville d'un brouhaha constant. Marcel entra dans Marceland par la voie terrestre.
Bon, ok : ça n'est pas de la grande littérature et je caricature, mais l'idée est là : on a une présentation complète de la cité qui s'enchaîne sur l'action en elle-même, le fait que notre personnage pénètre dans la ville. Voyons maintenant ce qu'aurait donné la même scène en utilisant une description active :
Marcel entra dans Marceland par la porte principale, passant sous les barbacanes menaçantes et leurs deux tours de guet carrées. Une fois franchit l'imposant rempart, il se laissa porté par le flux de la foule hétéroclite d'une large avenue qui s'enfonçait au coeur de la ville. En passant le long du palais des ducs de Marceland, il commença à sentir - par-dessus les multiples odeurs de la ville - celle des embruns salés que le vent charriait depuis le proche rivage. Plusieurs centaines de mètres plus loin, l'avenue s'ouvrait sur une agora spacieuse abritant le marché de la ville. Marcel s'engouffra parmi les étales, jouant parfois des coudes pour progresser au milieu d'une multitude agitée où se mêlaient chalands et dockers apportant les marchandises des navires qui mouillaient un peu plus loin. S'extrayant à l'agitation du marché, Marcel rejoignit l'avenue qui se jetait juste après sur la longue jetée du port. C'est seulement à ce moment que Marcel découvrit la mer qu'il n'avait fait que sentir jusqu'alors, dont les vagues brisées par les deux longues digues s'étendant de part et d'autre du port venaient clapoter presque à ses pieds.
Première constatation : le second passage est légèrement plus long. En fait il n'en est rien car, après la première description, il aurait fallu ajouter le cheminement du personnage dans la cité.
Bref, la description active, comme son nom l'indique, privilégie la communication des divers détails de votre lieu en suivant l'action du ou des protagonistes. Elle a ma préférence - personnellement - car elle permet de maintenir un rythme dans une scène en évitant de séparer celle-ci en deux blocs (description puis action). Ceci dit, la description passive n'est pas pour autant à bannir de manière irrémédiable. Son utilisation peut s'avérer judicieuse pour certaines scènes particulières. Par exemple, si votre roman est une quête dans laquelle les héros recherchent un endroit précis et mythique (un sanctuaire, un château particulier, un cimetière de vaisseaux-spatiaux ou que sais-je encore), le lecteur s'attendra probablement a une bonne grosse description au moment de sa découverte.
Et concernant les personnages, le même procédé peut s'appliquer. Quand j'ai commencé à écrire, j'avais tendance à décrire mes personnages des pieds à la tête dès leur première apparition dans le récit avec pour conséquence directe de plomber ce dernier. De la même manière que pour les descriptions de lieu, vous pouvez échelonnez les différents détails qui constituent le physique de vos personnages. Par exemple, la première fois que l'on croise quelqu'un, c'est le physique général qui ressort ainsi que son attitude et ce qu'il dégage. Des détails plus discrets (couleur des yeux, cicatrice, strabisme, nez tordu etc.) apparaîtront lors de scènes plus rapprochées, tels qu'un dialogue par exemple. Il est intéressant, à mon sens, de définir le physique des personnages par petites touches successives tout au long du texte.
Long story short : méfiez-vous des descriptions. C'est facile à faire (en apparence) mais cela peut nuire énormément au rythme du texte. Et je ne parle même pas de ces bouquins qui débutent par 25 pages de description pour camper le royaume/cité/monde où va se dérouler l'action. Généralement : ces livres là me tombent des mains avant la 25ème page, c'est con.
PS : Pour la suite, je ne me suis pas encore décidé quant à la facette de l'écriture que je compte aborder. Si jamais vous aviez une envie particulière, n'hésitez pas...