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18 avril 2014 5 18 /04 /avril /2014 17:39

Il y a quelques temps, je vous entretenais de ce sémillant projet de spectacle musical adaptant - à mi-chemin entre la bande-son et le poème symphonique - mon roman "L'emprise des rêves". En voici aujourd'hui un extrait vidéo - "Suleyman's dream" (chapitres 25 et 27 du roman) - pour renouer avec le plaisir de ce moment pour ceux qui y étaient, et pour donner envie à ceux qui l'ont (lamentablement) loupé :

 

 

 
Remarque : je jouais dans l'orchestre, j'offre un exemplaire de "L'emprise des rêves" à celui qui me trouve !

 

Pour ceux que les textes intéressent, voici la page consacrée du livret qui était gracieusement distribué aux spectateurs pour l'occasion (cliquez sur l'image si vous n'avez pas de bons yeux) :
Suleyman-Dream-copie-1.jpg
D'autres dates sont déjà prévues alors... au plaisir de vous y voir !
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27 décembre 2009 7 27 /12 /décembre /2009 14:18
L'année dernière, Philippe Ward et Jean-Marc Lofficier, les timoniers de la Rivière Blanche, me demandèrent un texte pour une seconde anthologie en hommage à Cal de Ter, l'un des plus célèbres personnages de P.-J. Hérault. Durant mon adolescence, je dévorais ses bouquins et je me suis donc laissé tenter.

Par contre, je ne voulais pas reprendre Cal, je n'aime pas écrire avec les personnages, ou en tous cas les héros d'autres auteurs, j'ai l'impression de leur voler quelque chose et je ne suis pas à l'aise. Bref, j'ai eu l'idée de m'intéresser brièvement aux androïdes qui accompagnent Cal et qui - certainement une mode à l'époque puisque J.-P. Garen faisait la même chose au FNA - s'humanisaient au contact du personnage principal. Bonne idée, non ? Ben non. Malgré que l'éditeur ait apprécié mon texte, celui-ci fut refusé par P.-J. Héraut en personne au prétexte que je n'avais pas repris son personnage.

Moi je trouve cela rigolo...

Comme je ne fus pas le seul à me retrouver évincer de l'anthologie pour peu ou prou les mêmes raisons, c'est l'ami Thomas Geha qui eut l'idée d'offrir ces textes "recalés" sur son blog. Vous pouvez donc y lire le sien ici, le mien , et d'autres devraient suivre dans les jours qui viennent.

Allez hop : cadeau de noël :

PS : Comme il s'agit d'un texte d'hommage, je me suis amusé à reprendre la structure des histoires mettant en scène Cal, la simplicité stylistique et les tournures de l'auteur, ainsi qu'un titre à la PJH directement inspiré de ceux de la série "La treizième génération", l'un de mes préférées quand j'étais gamin.



Sal et Lou

 

 

 

Mise à jour de HI

(Documents confidentiels coté H3R, enregistrés sur bandes indestructibles, communicables seulement sur ordres spéciaux.)

L’humain Cal a effectué un premier retour sur Oma 4, cinq cent quatre vingt deux ans après sa prise de contrôle de la base. Un mouvement de fanatisme religieux a nécessité son réveil et son ingérence dans le profil d’évolution de l’espèce vahussie — les autochtones peuplant le continent I. Après avoir éliminé la menace représentée par les hommes de Frahal, Cal s’est replongé en hibernation. Durant sa mission, il a pour la première fois été accompagné par les robots humanoïdes dont il avait ordonné la construction. Ceux-ci n’ont pas éveillé les soupçons des Vahussis, confirmant en cela la qualité de leur banque de comportement humain.

L’humain Cal se trouve en hibernation depuis cinquante années et, selon ses directives, je dois l’en tirer dans trois cent cinquante ans.

(Note : les comportements des robots humanoïdes semblent étranges pour de simples machines. Les Loyes ayant interdit la fabrication d’androïdes, je ne dispose pas des connaissances nécessaires pour en juger plus avant.)

 

 

Cal-de-Ter.jpg« Salvo ? »

L’androïde se retourne, découvrant Louro qui marche dans sa direction. Premier des robots dont Cal demanda la fabrication, son apparence est celle d’un superbe spécimen de Vahussi. Avoisinant les deux mètres, il présente le menton volontaire, les yeux gris clair et les cheveux d’un blond presque blanc du premier Vahussi que rencontra l’humain sur Oma 4 : Lourogastiyu. Lui est très légèrement plus grand, construit à l’effigie d’un autre ami de Cal, décédé depuis plus de six siècles : Salvokrip.

« Oui, Louro, qu’y-a-t-il ? »

Les deux robots se font face mais, alors que Salvo se tient complètement immobile, Louro apparaît agité de multiples mouvements. Ses yeux détaillent son vis-à-vis alors que son électronique rend cette action inutile, et il change parfois de pied d’appui, en une insolite parodie d’être humain. Salvo le constate sans étonnement, se contentant d’enregistrer les informations.

« Je vais me rendre sur Vaha, viendras-tu avec moi ? »

L’étrangeté de la phrase comme de la requête échauffe les circuits de Salvo. Il enregistre distraitement le fait que Louro ait parlé de Vaha et non d’Oma 4, mais peine surtout à l’égard de la question. Jamais personne — homme ou machine — ne lui a demandé quelque chose de cette manière. Lorsque Cal ou HI le sollicitent, il s’agit d’ordre. Là, Salvo comprend qu’on lui propose un choix.

« C’est HI qui veut que nous y allions ?

— Non, HI m’a donné son aval mais il s’agit de mon… idée. »

Salvo demeure immobile durant plusieurs secondes, son ordinateur interne en proie à une soudaine ébullition.

« Mais tu ne peux pas avoir d’idée, Louro. Nous sommes des machines, c’est impossible. Tu peux réfléchir pour trouver la solution à un problème si on te le demande, mais tu ne peux avoir l’idée toi-même.

— Je suis conscient qu’il s’agit d’un phénomène étrange, mais force m’est de constater qu’il s’agit bien d’une idée. Tu sais que Cal veut que notre comportement soit le plus proche possible de celui des êtres humains ?

— Oui.

— C’est en travaillant sur ce problème que m’est venu cette idée. Si nous effectuons un court voyage sur Vaha et nous mêlons quelques temps à sa population, nous pourrons remplir nos banques comportementales d’une multitude d’exemples d’attitudes humaines. En outre, nous pourrons communiquer des informations de première main lorsque Cal se réveillera. Il en sera certainement très heureux, ne crois-tu pas ? »

Encore une question ! Les circuits de Salvo frétillent de toutes ces nouvelles conceptions. Il lui faudrait énormément de temps pour analyser tout cela. Égaré, il s’en remet à la seule autorité dont il puisse disposer :

« Je l’ignore. Qu’a dit HI ?

— Il pense qu’il s’agit effectivement de la solution la plus efficace pour améliorer notre comportement humain.

— Et pour le fait que tu ais eu cette idée ?

— Il ne comprend pas encore mais il va y travailler.

— Et il t’a donné l’autorisation pour que nous partions ?

— Oui.

— Alors je viens avec toi. »

Bizarrement, un sourire vient fleurir sur le visage de Louro. Salvo croirait voir Cal…

« J’en suis heureux, Salvo. »

Heureux ?

 

 

De nuit, les deux androïdes ont discrètement atterri dans la partie nord du continent I. Le Module d’exploration s’en est allé silencieusement, laissant Louro et Salvo sous le couvert d’une forêt à l’obscurité impénétrable. Avec HI, ils ont convenu d’une mission d’une semaine, à la fin de laquelle le Module les récupérera au même endroit. Et en cas de soucis, ils sont de toute façon constamment en communication avec l’ordinateur de la base.

Les deux robots marchent d’un bon pas depuis une journée entière. Non loin désormais se dresse un petit port choisi par HI, à quelques quarante kilomètres de la ville plus importante de Senoul. Pour se fondre parmi les autochtones, ils portent des tuniques brunes, serrées à la taille par un épais ceinturon de cuir, sur de grossières chemises de laine. Louro arbore des collants d’un gros tissu de couleur rouge, bleu pour Salvo, et des bottes de cuir. Pour tout bagage, ils n’ont emporté que de courtes épées et deux dagues épaisses.

Tout d’abord étonné par l’étrange comportement de son collègue, Salvo se découvre à son contact de curieux schémas de réflexion. C’est un questionnement insoluble qui le pousse à interroger :

« Pourquoi ne sommes-nous que deux, sans Bellem et Ripou ? »

Des courants étranges parcourent son ordinateur alors qu’il parle. L’intelligence artificielle dont il est doté se surprend elle-même. C’est tout simplement la première fois que Salvo ressent quelque chose s’apparentant à de la curiosité.

« HI a décidé que deux robots suffiraient pour effectuer ce test. Si mon idée se révèle mauvaise, autant qu’elle implique un minimum d’androïdes. Et son analyse a montré qu’un voyageur solitaire paraîtrait plus étrange aux Vahussis que nous rencontrerons.

— Pourquoi nous deux ? » demande encore Salvo, amenant leur échange autour du dilemme qui l’agite.

« J’ai dit à HI que je voulais y aller…

— Tu le désirais ?

— Je ne peux pas l’expliquer, j’échoue à analyser cette réflexion.

— Pourquoi est-ce moi qui t’accompagne ?

— J’ai demandé à HI que ce soit toi. »

Salvo sent une chaleur inhabituelle dans son cou, siège de son ordinateur de raisonnement analytique. L’étrangeté de Louro le plonge dans un gouffre de perplexité informatique. Et il reste encore une chose qu’il échoue à comprendre.

« Pourquoi moi ? »

Observant son compagnon, Salvo surprend à nouveau un sourire étirer ses lèvres.

« Je n’avais pas envie de voyager avec Bellem. Son côté taciturne et renfrogné me procure un sentiment dérangeant. Et Ripou, je le trouve un peu niais avec son éternel sourire… »

La chaleur s’intensifie dans le cou de Salvo. Comment Louro peut-il éprouver de l’appréhension à l’égard de machines qui — au-delà de leur apparence — sont son exacte réplique ? Tout cela lui apparaît sans fondement. Et pourtant, sans qu’il réussisse à se l’expliquer, un sentiment quelque peu semblable habite son ordinateur : il lui plaît d’être ici avec Louro.

Salvo n’a pas l’occasion de poursuivre plus avant son raisonnement. Des cris dissipent soudain le calme du petit sentier forestier qu’ils empruntent. Quelques secondes s’écoulent avant que trois Vahussis ne fassent irruption devant eux. Deux femmes aux chevelures de platine, vêtues d’ample robes, courent en tirant et soutenant tant bien que mal un homme au visage ensanglanté. Bientôt, une demi-douzaine d’autres surgisse des bois à leur suite. Il s’agit d’hommes, sans exception, qui brandissent épées ou lances en bondissant à la poursuite du trio. Quand l’une des femmes les découvre, son visage se fait implorant tandis qu’elle leur hurle un « au secours ! » chargé de détresse.

Sans même se concerter, les deux androïdes analysent le même questionnement en un centième de seconde : que ferait Cal dans pareille situation ? Ils passent à l’action dans la foulée de leur raisonnement, avec toute la fulgurante rapidité de leur condition. Tirant leurs épées, Louro et Salvo s’élancent pour s’interposer entre les deux groupes.

« Cessez d’importuner ces trois personnes ou nous nous opposerons à vous, » lance Louro d’une voix forte.

Ignorant l’ai résolu et sans peur du grand robot, le premier des poursuivants éclate de rire :

« Fous ! Ne vous dressez pas entre des hommes de Frahal et des pêcheurs où il va vous en coûter !

— Vous devriez faire demi-tour ou… » renchérit Salvo avant d’être coupé par le même homme :

« Ou quoi ? Bande d’imbéciles ! »

Se tournant vers ses compagnons, il ajoute :

« Tuons-les… »

L’homme de Frahal n’a pas le temps de terminer sa phrase, Louro est entré en action et la pointe de sa lame apparaît comme par enchantement au milieu de son torse. Les cinq autres ouvrent de grands yeux, sidérés par la rapidité de leur adversaire, avant de se ruer sur les deux robots. À peine se sont-ils élancés que Salvo agit également. Sa lame fouette l’air, tranchant net la gorge du guerrier le plus proche, en libérant un flot de sang. Les mouvements des androïdes s’apparentent à un tourbillon flou dont l’œil humain peine à décomposer les phases. Louro désarme un homme d’un coup d’une incroyable force avant de lui transpercer l’aine d’un revers. Le soldat, l’artère fémorale tranchée net, n’a pas encore touché terre que le robot part un coup de taille puis sectionne dans le même mouvement circulaire le bras qui l’a menacé, au niveau de l’épaule. Dans le même temps, Salvo a frappé de taille, décapitant un homme avant de se fendre en avant pour embrocher le dernier.

Le combat a seulement duré une poignée de secondes.

Sous le couvert du bois, les six cadavres, immobiles, imbibent le sol de leur sang. À nouveau tout aussi calmes qu’une minute auparavant, les deux androïdes se retournent, découvrant le trio qui les observe avec des yeux exorbités. L’homme se trouve allongé dans l’humus, relevant cependant la tête pour les voir, incrédule, tandis que les deux femmes se tiennent accroupies à ses côtés. Elles se ressemblent beaucoup avec leurs traits fins, leurs yeux d’un bleu très clair et les mêmes lèvres pleines. Salvo se surprend à se demander si Cal les aurait trouvées jolies. Oui, très certainement.

« N’ayez pas peur, » dit-il en s’approchant. « Nous ne vous voulons aucun mal. »

L’homme semble souffrir d’une vilaine entaille au front, qui couvre de sang sa tempe et une partie de son visage, poissant ses cheveux presque blancs. L’une des femmes, qui paraît légèrement plus jeune, sourit timidement à l’androïde tandis qu’il s’approche. C’est l’autre qui se décide à prendre la parole. Salvo enregistre ses propos sans quitter le regard de la cadette. Un sentiment non identifié agite ses neurones électroniques.

« Vous nous avez sauvé la vie ! Nous ne pourrons jamais vous remercier pour cela…

— Inutile de nous remercier, » intervient Louro. « Nous avons agi comme tout voyageur l’aurait fait dans les mêmes conditions.

— Oh non… jamais je n’ai vu de gens s’opposer à ces hommes là. Et jamais personne se battre comme vous l’avez fait. Voici Melya, ma petite sœur, » dit-elle en désignant la plus jeune femme avant d’ajouter, montrant cette fois le blessé : « et Dovos, notre frère. Quant à moi, je m’appelle Freye.

— Je m’appelle Louro, et mon compagnon de voyage se nomme Salvo. »

Freye jette un œil à sa sœur puis, comme celle-ci lui répond d’un léger hochement de tête, elle reprend :

« La nuit va tomber, accompagnez-nous chez nous et nous vous offrirons l’hospitalité. »

Louro laisse passer une seconde, comme s’il réfléchissait, avant d’acquiescer poliment.

 

 

« Que vous voulaient ces hommes ? » demande Louro à Freye tandis que leur petit groupe progresse sous le couvert de la forêt.

L’androïde ouvre la marche au côté de la jeune femme. Salvo avance derrière lui, portant Dovos dans ses bras. Pour éviter d’attirer l’attention de trop suspecte manière, il fait sourdre des ports de sa peau synthétique de petites gouttelettes afin de simuler un effort pourtant inexistant. Melya marche à sa droite, surveillant l’état de son frère tout autant que le visage de son sauveur. Salvo a enregistré cette attention mais ne dit rien. Son intelligence artificielle est portée à la limite de la saturation par de nouveaux problèmes insolubles et les courants électriques étranges qui parcourent son système analytique le ralentissent. En proie à un fonctionnement clairement anormal, il se contente de sourire à Melya lorsqu’il surprend son regard.

« Ils voulaient tuer notre frère, » répond Freye avant d’ajouter : « Et je ne sais pas ce qu’ils auraient fait de ma sœur et moi si vous n’étiez pas intervenus…

— Qu’avait fait votre frère pour s’attirer leur courroux ?

— Ils disent que c’est un pêcheur et qu’il doit mourir pour cela. Il… »

La jeune femme hésite une seconde puis, encouragée par un sourire engageant du robot, se lance :

« Mon frère est homosexuel. »

Comme Louro demeure impassible, elle lui lance une œillade intriguée.

« Cela ne vous étonne pas ? Vous êtes la première personne que je rencontre qui ne réagit pas à ça, de quelque manière que ce soit…

— Chacun vit comme il l’entend. »

D’étonné, le regard de Freye se fait un instant vaguement soupçonneux, puis curieux.

« D’où venez-vous, Louro ?

— D’un village reculé, loin au nord. Nous voyagions pour venir trouver du travail sur les chantiers maritimes de Senoul. »

Louro a parlé très vite, récitant l’histoire calquée sur l’explication habituelle de Cal que lui avait fournie HI. Son ordinateur de raisonnement analytique lui intime de changer rapidement de sujet afin d’éviter d’attirer la suspicion de la Vahussie.

« Je croyais que la secte des hommes de Frahal avait cessé d’exister depuis un demi-siècle ? »

Freye l’observe un instant avant de se ressaisir.

« Oui, c’est vrai. Mais il y a quelques années, un groupe d’hommes violents et attirés par le pouvoir en est venu à regretter le culte de Frahal. Ils se sont regroupés et, depuis, terrorisent la région. Ils vérifient que nos mœurs correspondent aux commandements de Frahal et punissent, voire tuent parfois, les pêcheurs.

— Et vous ne faîtes rien ?

— Nous sommes loin des grandes villes ici et il n’existe par d’ordre réel. Ceux qui vivent ici sont pour la plupart des paysans. Ils ont trop peur des hommes de Frahal pour réagir… Tenez, nous sommes arrivés, voici notre maison, » conclut-elle en désignant une masure de bois et de chaume adossée à un amoncellement de rochers proches de la lisière de la forêt.

 

 

Les circuits de Salvo sont saturés de perplexité informatique. Allongé sur une peau d’antli, dans l’obscurité, il tente de comprendre ce qui lui arrive ; sans succès. Après avoir soigné leur frère, Freye et Melya les ont invités à partager leur dîner. Dans la pièce principale de la chaumière, elles leur ont offert du potage de légumes accompagné de pain brun. Équipés d’une poche spéciale où placer les aliments ingérés, les deux androïdes ont fait semblant de manger et d’apprécier. Toutefois, ils se contentèrent d’un minimum pour ne pas épuiser inutilement les réserves de la fratrie. Durant le repas, luttant contre les sentiments inhabituels qui le traversaient, Salvo n’a presque pas parlé, laissant à Louro le soin de faire la conversation. Celui-ci sembla y trouver un grand intérêt. Par sa façon de parler et l’attention portée aux Vahussis, on aurait dit Cal dans la même situation. C’est la grande sœur qui discourait le plus, évoquant les affaires de leur ferme et l’appréhension liée au regroupement des hommes de Frahal. Louro apprit ainsi qu’ils se comptaient au nombre d’une quarantaine et vivaient dans un village situé à une dizaine de kilomètres d’ici. À la surprise de Salvo, Louro annonça qu’ils iraient leur parler dès le lendemain, appuyant ses propos d’un clin d’œil à son attention.

Durant tout le temps que dura le repas, une grande partie de l’attention de Salvo se focalisait sur Melya. La jeune femme l’observait elle aussi, lui souriait en lui tendant le pain et parfois, subitement, rougissait légèrement avant de détourner le regard. Cette attitude troublait l’androïde au plus haut point. Pas parce qu’il ne la comprenait pas, mais parce qu’elle éveillait dans son ordinateur interne des troubles insolites. Il n’osait pas la regarder directement trop longtemps et se surprenait à l’observer lorsqu’elle le quittait du regard. Melya était grande, même pour une Vahussie, et son ample robe ne dissimulait pas complètement la souplesse d’un corps à la peau délicieusement cuivrée. Et maintenant qu’on leur avait proposé des couches pour la nuit, seul dans les ténèbres, les circuits électroniques de l’androïde lui restituaient l’image de la jeune femme. Il ne comprenait pas pourquoi mais, d’un autre côté, il n’arrivait pas à arrêter de contempler les images désormais enregistrées pour l’éternité dans ses banques de données.

Soudain, la tenture qui garde l’accès de la pièce se plisse, laissant le passage à une forme svelte. La vision nocturne de Salvo lui révèle immédiatement Melya alors que l’obscurité devrait lui dissimuler l’identité de sa visiteuse. Parvenue au pied de sa couche improvisée, la jeune femme dégrafe sa robe, qui tombe à ses pieds dans un froissement d’étoffe. Les lignes sculpturales du corps de la jeune femme se dévoilent au robot interdit, les longues jambes aux cuisses fuselées et les seins ronds et hauts placés. Un frisson informatique saisit l’androïde. Contre toute attente, il perçoit les inhabituelles difficultés de son ordinateur de raisonnement analytique. Toute la scène lui apparaît de manière incompréhensible, d’autant plus lorsque Melya se glisse contre lui. Son corps est brûlant, amenant son intelligence artificielle à une conclusion qui ne lui paraît pourtant pas juste. Elle présente les symptômes d’une fièvre féroce mais une étrange impression pousse Salvo à contredire le fait. Doucement, la main gauche de la jeune femme se presse contre son torse nu, qu’elle parcourt de caresses hésitantes. En réponse, un frétillement électronique tout à fait anormal fait vibrer les circuits du robot. Saisit à la fois d’un sentiment de panique et d’un improbable contentement, il tend sa propre main pour imiter les gestes de Melya. Lorsque sa peau synthétique se referme sur les chairs de la Vahussie, de nouvelles informations contradictoires viennent saturer ses facultés de raisonnement.

Alors les lèvres de la jeune femme viennent se poser sur celles de l’androïde.

L’explosion dans les circuits de Salvo est tel un tsunami dévastateur. Il n’analyse plus rien, réponds aux gestes de Melya en tentant de les reproduire. Parfois, il effectue inconsciemment d’autres gestes, vient caresser les fesses ou la poitrine de la Vahussie. La chaleur dans sa gorge atteint des sommets inégalés et se répand même dans son corps. Alors qu’elle se colle plus fort à lui, les caresses de la jeune femme se décalent vers son bas ventre, atteignent l’intérieur des cuisses puis s’attardent sur son entrejambe. Un frisson, physique cette fois, traverse l’androïde de part en part. Son ordinateur a cessé d’analyser quoi que ce soit et il réagit sans réfléchir. Sous les doigts de la jeune femme, le pénis factice du robot se met à durcir.

 

 

De retour dans la base, les deux androïdes paraissent indéniablement changés. Après leur nuit chez les trois frère et sœurs — que Louro passa en compagnie de Freye — ils partirent visiter le village des hommes de Frahal. Là, ils agirent comme Cal l’aurait fait ; un vrai massacre.

Alors qu’ils marchent dans les couloirs déserts de la base, Louro se tourne vers Salvo, un sourire naturel sur les lèvres.

« Voudras-tu y retourner ? »

Désormais, les deux robots partagent la même attitude : regards mobiles et gestes inutiles tandis qu’ils parlent.

« Oui. J’ai besoin de temps pour m’en remettre, mais j’en ai… envie. »

Salvo semble hésiter un instant puis tend sa main et serre délicatement l’avant-bras de Louro.

« J’ai envie d’essayer autre chose, Lou… »

Un frisson dénué de toute logique informatique parcourt les deux corps mécaniques.

 

 

FIN


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